LES CAILLOUX

Vieux fou obnubilé par les cailloux, Roche a passé sa vie à traquer les pierres dans tous les coins et recoins de la planète. Désormais malade et reclus chez lui, il escalade ses étagères géantes à la manière d'un alpiniste, passant en revue ses cailloux bien-aimés sous le regard perçant de sa servante Pierrette. Lorsque celle-ci le quitte brusquement après quinze ans de bons et loyaux services, Roche entreprend d'évaluer la dureté de son cœur à l'aune de ses chers cailloux. Le constat est lucide, plein d'auto-dérision et d'humour, mais sans appel.

Une pièce grinçante sur les rapports humains qui manquent d'humanité.

Huis-clos pour deux comédiens – 1 homme, 1 femme.

Extrait scène 2 :

ROCHE : La dureté. Celle du cœur. Ou celle des minéraux. En fin de compte, elles se ressemblent et s'associent. La dureté est par définition la résistance qui s'oppose à la rayure. Il fut un temps où mon cœur se rayait difficilement, je crois… Pierrette avait un cœur en or. Pas plus de deux, voire deux et demi de dureté. Sa densité, quant à elle, devait largement dépasser 19. Oh oui ! Largement. Le premier jour de son arrivée ici, il s'est liquéfié. On aurait dit une motte de beurre marquée au fer rouge des initiales de la tendresse. Quel précieux métal que cette Pierrette ! Je déteste la savoir partie. Elle aurait dû se retourner. Jeter un regard par-dessus son épaule et se transformer en statue de sel. En statue de sel. Oui, c'est ça. Oh, pas pour l'éternité. Sept ou neuf jours, pas plus. Le temps pour le ciel de réunir les nuages d'un bel orage d'été. Pierrette aurait ainsi fondu lentement sous mes yeux, puis le sol aurait eu le goût de bretzel…